L'article 1182 du Code civil : devenez incollable

La nullité d'un acte (acte invalide)

Afin de maîtriser l'article 1182 du Code civil qui concerne la confirmation d'un acte invalide en droit des contrats, il convient de s'intéresser à l'acte invalide lui-même. La nullité est la sanction judiciaire en cas de manquement à l'une des conditions de validité du contrat. L'article 1178 alinéa 1 du Code civil indique que la nullité doit être prononcée par le juge ou constatée d'un commun accord par les parties. Par conséquent, il faut bien comprendre que le contrat, qui ne remplit pas les conditions de validité exigées par l'article 1128 du Code civil, n'est pas automatiquement nul. Il devient nul uniquement si le juge prononce cette sanction ou si les parties constatent la nullité d'un commun accord. Sinon, il demeure simplement annulable.


La théorie des nullités suppose de faire une distinction entre nullité relative et nullité absolue, même si la nullité consiste toujours, quelle que soit sa nature, dans l'anéantissement rétroactif de l'acte. Par exemple, le contrat, qui est un acte juridique, va être annulé tant pour ses conséquences passées que futures : on fait comme si le contrat n’avait jamais existé, il est donc anéantit rétroactivement.


Cette summa divisio des nullités ( distinction entre nullité relative / nullité absolue) permet de comprendre les conditions de l'annulation d'un contrat. Tandis que la summa divisio n'a aucun impact sur les effets de l'annulation.

La distinction entre nullité relative et nullité absolue emporte trois conséquences. C’est la troisième qui nous intéresse plus particulièrement puisqu'elle vise la confirmation, objet de notre étude.


  • Qui peut agir ? La nullité absolue peut être demandée par toute personne ayant intérêt à agir (les contractants, les héritiers, les créanciers,...) (article 1180 du Code civil) alors que la nullité relative ne peut être demandée que par la partie que la loi entend protéger , c'est-à-dire qu'elle ne peut être invoquée que par la personne protégée par la règle violée (article 1181 du Code civil).


  • Quel est le délai pour agir ? Le délai pour agir en nullité était de 30 ans pour la nullité absolue ( ancien article 2262 du Code civil) et généralement de 5 ans pour la nullité relative ( ancien article 1304 du Code civil). Désormais, le délai pour agir est commun aux deux types de nullités depuis la réforme de la prescription issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 (article 2224 du Code civil) : 5 ans.


  • Confirmation d'un acte invalide ? ll est possible de renoncer à l’action en nullité relative en confirmant l’acte (article 1181 alinéa 2 du Code civil). Mais la nullité absolue n'est pas susceptible de confirmation (article 1180 alinéa 2 du Code civil).


Pour savoir exactement quand une nullité est relative et quand elle ne l'est pas, consultez les fiches traductrices de droit des contrats ici.

Confirmation d'un acte invalide

Définition

  • Soit un acte de confirmation a été accompli : la confirmation est un acte juridique qui consiste en une renonciation au droit d’invoquer la nullité d'un acte invalide (article 1182 alinéa 1 du Code civil). Autrement dit, en confirmant le contrat, la personne ne sera donc plus recevable à agir sur le fondement de la nullité malgré qu'il soit affecté d'une cause de nullité (article 1182 alinéa 4 du Code civil).


  • Soit la confirmation résulte de l'exécution volontaire du contrat : Si la personne connaissait l'existence d'une cause de nullité mais qu'elle a tout de même volontairement exécuté le contrat, alors il s'agit d'une confirmation tacite de ce contrat ( article 1182 alinéa 3 du Code civil). Par exemple, nous savons que la loi impose que l'objet d'une obligation doit être déterminé ou déterminable (article 1163 du Code civil). Cette règle du Code civil vise à protéger les intérêts privés des contractants et non à protéger l'intérêt général. Par conséquent, le contrat dans lequel l'objet n'était pas déterminé est affecté d'une cause de nullité relative. Ainsi, si une partie exécute volontairement ce contrat en ayant conscience de sa nullité, cela signifie qu'elle a eu la volonté tacite de ne pas s'en prévaloir. Elle a donc confirmé le contrat et ne pourra plus opposer à son cocontractant la nullité de celui-ci (article 1181 alinéa 2). Au contraire, nous savons que le but d'un contrat doit être licite en vertu de l'article 1162 du Code civil. Cette disposition légale vise à sauvegarder l'intérêt général afin d'éviter que des contrats contraires à l'ordre public puissent être conclus. Par conséquent, le contrat dont le but est illicite est affecté d'une cause de nullité absolue. Mais la nullité absolue ne peut être couverte par la confirmation du contrat, (article 1180 alinéa 2). Cela signifie que la partie qui a volontairement exécuté son obligation au moment de la conclusion du contrat alors qu'elle savait que le contrat qu'elle concluait était illicite peut tout de même agir en nullité du contrat.

Qui peut confirmer un acte nul ?


Comme évoqué précédemment, la confirmation est une renonciation au droit de demander la nullité. Donc seul celui qui dispose de ce droit peut y renoncer. C'est également à cette personne que l'action interrogatoire de l' article 1183 du Code civil doit être adressée dans le but de savoir ce qu'il adviendra de l' acte (pour mieux comprendre cela, consultez la "note" un plus loin dans cet article grâce à un exemple concret).


Les conditions de la confirmation


La confirmation étant un acte juridique, elle doit respecter les conditions de droit commun exigées par l'article 1128 du Code civil concernant la validité des actes juridiques. Sont donc nécessaires : le consentement de son auteur, sa capacité et un contenu licite et certain. Si ces conditions ne sont pas remplies, la confirmation d'un acte invalide est nulle.


De plus, la confirmation est soumise à certaines conditions plus spécifiques. Pour que la confirmation soit valable, le contrat doit être affecté d'une cause de nullité relative. Deuxièmement, la confirmation suppose que son auteur ait eu l'intention de réparer le vice de l' acte, c'est-à-dire, l'intention de renoncer à invoquer la nullité. Enfin, la confirmation, si elle est expresse, implique un acte de confirmation. Cet acte doit faire mention de l'objet de l'obligation ainsi que du vice affectant le contrat. Lorsque la confirmation est tacite, elle peut également résulter de l'exécution volontaire du contrat en connaissance de la cause de nullité.


Note : la condition relative à la connaissance de la cause de nullité a fait l'objet d’un revirement de jurisprudence à l'occasion d'un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 24 janvier 2024 concernant des contrats d’installation de panneaux photovoltaïques ( ce sont des panneaux qui transforment la lumière du soleil en électricité). Généralement, il s'agit de contrats souscrits à la suite d'un démarchage au domicile de particuliers et financés par un ou plusieurs crédits. Ce genre de contrats font l'objet d'une protection spécifique dans le code de la Consommation. Pour comprendre la solution rendue en 2024, analysons rapidement celle rendue par la première chambre civile de la Cour de cassation le 31 août 2022.

En l'espèce, un consommateur souhaitait obtenir la nullité d’un contrat en raison de ses irrégularités formelles. Pourtant il avait tacitement renoncé à la nullité du contrat par le biais du mécanisme de droit commun de la confirmation évoqué précédemment (article 1182 du Code civil). Ainsi, la Cour de cassation rappelle que : "si la confirmation tacite d'un acte nul est subordonnée à la double condition que son auteur ait eu connaissance du vice l'affectant et qu'il ait eu l'intention de le réparer, la reproduction intégrale des différents articles du code de la consommation en caractères parfaitement lisibles dans les conditions générales de vente suffit à permettre au consommateur d'avoir connaissance de l'irrégularité formelle affectant les mentions du contrat ; qu'en retenant au contraire que « le seul fait que les conditions générales figurant au verso sur le bon de commande se bornent à reprendre les dispositions du code de la consommation est insuffisant à relever à l'emprunteur les vices affectant ce bon », la cour d'appel a violé l'article 1338 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2010 " (devenu l'article 1182 du Code civil depuis la réforme du droit des contrats de 2016). Comprenez donc que dès qu’un contrat comportait la reproduction des articles du Code de la consommation prescrivant le formalisme impératif, la connaissance de la cause de nullité par le consommateur était présumée.


Mais l'arrêt rendu le 24 janvier 2024 par la première chambre civile de la Cour de cassation opère un revirement de sa jurisprudence sur cette reproduction lisible des dispositions du code de la consommation concernant les contrats conclus hors établissement (démarchage). En effet, la Cour rend une solution plus favorable à la protection du consommateur. Ainsi, elle affirme que la reproduction, même lisible, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d’avoir une connaissance effective du vice et de caractériser la confirmation tacite du contrat. Autrement dit, la seule présence des prescriptions légales dans le contrat ne permet pas de présumer la connaissance d'une potentielle cause de nullité de l'acte par le consommateur.


Cette connaissance du vice doit donc être prouvée. Pour cela, le professionnel peut utiliser l’action interrogatoire (article 1183 du Code civil) afin, d’une part, d'alerter explicitement le consommateur sur ce vice et d'autre part, de lui demander de se prononcer sur le sort de l'acte annulable ou, autrement dit, sur la confirmation de l’ acte nul . Plus exactement, c'est contraindre la partie titulaire du droit d'agir en nullité à faire savoir si elle souhaite effectivement se prévaloir de la nullité de l'acte (dans un délai de six mois à peine de forclusion) ou si elle y renonce. Dans ce dernier cas, cette renonciation vaudra confirmation de l' acte .


Sabine Bernheim-Desvaux, Maître de conférences, a pu préciser que le "consommateur, qui n’est pas un juriste, peut éprouver des difficultés à lire et à comprendre les prescriptions légales. Profane du droit, (...) il (devait) prendre connaissance de ses droits, puis en tirer les conséquences en décidant soit de poursuivre le contrat en dépit des vices qui l'affectent, soit d'y mettre fin, ce qu’il n’est généralement pas en mesure de faire seul. Un auteur avait également judicieusement remarqué qu’en pratique, « la reproduction standardisée des dispositions du Code de la consommation n'est pas de nature à alerter le consommateur sur la possibilité d'un vice affectant l'acte » (L. Fériel, JCP E 2022 , 1407).

Les effets de la confirmation


Selon l’article 1182, alinéa 4, du Code civil, la confirmation emporte renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être opposés. Cela signifie que la confirmation empêche son auteur de former une demande en nullité ou d’opposer à une action en exécution une exception de nullité. La confirmation est donc différente de la prescription puisque cette dernière n'éteint que l'action en nullité et laisse subsister l'exception de nullité. (De plus, la prescription frappe non seulement les actions en nullité absolue mais également les actions en nullité relative,. Tandis que la confirmation ne concerne que la nullité relative).

Pour comprendre de façon ludique ce que sont la nullité demandée par voie d'action et la nullité soulevée par voie d'exception, consultez les fiches traductrices de droit des contrats ici.

Syllogisme : quand et comment utiliser l'article 1182 du Code civil ?


Imaginons que votre cas pratique vous conduit à vous interroger sur l'annulation d'un contrat. Une personne souhaite en effet y mettre fin. Pour savoir si un contrat peut être remis en cause, il faut se demander s'il est valable. Si le contrat est valable, vous ne pourrez pas agir en nullité. Si le contrat n'est pas valable, vous pourrez exercer une action en nullité. Et c'est précisément ce que souhaite votre client.


Vous savez que l'article 1128 du Code civil exige que trois conditions cumulatives soient remplies pour qu'un contrat soit valable : consentement des parties, leur capacité à contracter et un contenu licite et certain. S'agissant des conditions de validité relatives au contenu du contrat, vous savez aussi que l'article 1163 du Code civil exige notamment qu'une prestation soit déterminée ou au moins déterminable. Imaginons maintenant que le contrat puisse effectivement être annulé sur le fondement de l'objet de l'obligation qui s'avère être ni déterminé, ni déterminable. Vous allez conclure que l'action en nullité pourra être envisagée sur ce fondement.


Certes, vous savez désormais qu'une action en nullité est possible. Mais encore faut-il que vous vous intéressiez au régime de la nullité. C'est à ce moment là qu'il faudra évoquer la potentielle confirmation du contrat.


Vous savez qu'en vertu de l'article 1182 du Code civil, trois conditions sont nécessaires pour caractériser la confirmation. La première chose à savoir consiste à déterminer si le contrat est affecté d'une nullité relative ou d'une nullité absolue puisque la nullité relative peut être couverte par la confirmation (article 1181 alinéa 2 du Code civil). Ce qui n'est pas le cas de la nullité absolue (article 1180 alinéa 2).


Concernant la nature de la nullité, en tant que première condition nécessaire à la caractérisation de la confirmation, vous mettrez en avant le fait que l'article 1179 du Code civil dispose que la nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet de préserver l'intérêt général. Et qu'elle est relative quand la règle a pour objet de préserver un intérêt privé. En outre, le défaut d'objet (objet qui n'est ni déterminé, ni déterminable) est sanctionné par la nullité relative (Cass.com., 22 mars 2016). Le contrat en question est donc bien affecté d'une cause de nullité relative en raison du fait que l'objet de l'objet de l'obligation n'est ni déterminé, ni déterminable.


La deuxième chose étape de la réflexion consiste à vous demander si votre client est bien recevable à invoquer cette cause de nullité. En effet, la deuxième condition nécessaire réside dans le fait que la confirmation doit émaner de la personne qui pouvait se prévaloir de la nullité. Là encore, vous savez que l'article 1181 alinéa 1 du Code civil précise que la nullité relative ne peut être demandée que par la partie que la loi entend protéger. Qu'en est-il donc pour l'exigence d'un objet déterminé ou déterminable ? La loi semble protéger le créancier de l'obligation mais également son débiteur. Comprenez bien que sans cette exigence, le créancier ne saurait pas ce qu'il est en droit d'exiger et le créancier ne saurait pas ce à quoi il s'engage.


La troisième chose consiste à constater qu'un acte de confirmation a bien été effectué. Vous savez qu'en vertu de l'article 1182 alinéa 1 du Code civil, la confirmation est une manifestation de volonté par laquelle la personne qui peut se prévaloir de la nullité y renonce. Cet acte de confirmation doit mentionner l'objet de l'obligation et le vice qui affecte le contrat litigieux. Mais vous savez aussi qu'une confirmation peut résulter de l'exécution volontaire du contrat en sachant qu'une cause de nullité affecte le contrat.


Si toutes ces conditions sont réunies, il sera possible d'affirmer qu'une personne a bien confirmer le contrat.


Sauf que si vous vous arrêtez là, votre démonstration juridique sera lacunaire. Il faut toujours aller au bout de votre raisonnement juridique. Dans la mesure où vous avez potentiellement caractériser la confirmation, encore faut-il étudier les effets de cette confirmation.


Ici, il convient de mobiliser l'article 1182 alinéa 4 du Code civil qui dispose que la confirmation interdit à son auteur de former une demande de nullité ou d'opposer une action en exécution de nullité. Cela signifie notamment que la personne ne pourra plus opposer à son contractant la nullité du contrat.


Enfin, vous pourrez conclure par exemple que dans la mesure où la personne a effectivement confirmé le contrat, celle-ci sera irrecevable à agir sur le fondement de la nullité.


Si vous ne voulez plus dépenser vos économies dans des cours de droit, que vous souhaitez aller droit au but, consultez mes fiches traductrices de droit, spécialement conçues pour résoudre les problématiques étudiantes.